Lors du dernier conseil municipal tenu le 29 février 2024, le conseil a été appelé à voter une délibération autorisant le maire à demander des subventions pour financer le projet de remplacement du terrain en herbe Chabrat avec la création d’un terrain de grands jeux synthétique. Sans aucun document décrivant le projet, la délibération soumise au vote prévoyait même également de donner “son accord pour la réalisation des travaux concernant le projet de création d’un terrain synthétique de grands jeux pour un montant prévisionnel de 800 000€HT soit 1 000 000€TTC”.
Devant les protestations des élus d’ensemble pour Bures, la délibération a été modifiée en séance, le maire supprimant la phrase donnant accord pour la réalisation des travaux.
A partir des seules informations disponibles en commission préparatoires au conseil municipal – à savoir les délibérations d’autorisation de subventions – les élus d’Ensemble pour Bures ont fait un travail de recherches d’informations concernant ces installations sportives synthétiques afin de déterminer leur position vis-à-vis de ce projet. Ce travail leur a permis de souligner lors du conseil les impacts très négatifs de ce type d’installations sur l’environnement et sur la santé de tous. Plusieurs études ont été citées. Elles montrent qu’au-delà de la perte des fonctions écologiques du gazon naturel, ces installations de gazon synthétique sont à l’origine de phénomènes d’îlots de chaleur et sources de pollutions importantes, en terme de pollutions microplastiques et de composés chimiques toxiques divers.
>>> voir l’article qui détaille la capacité élevée du gazon naturel à réduire le ruissellement, augmenter l’infiltration, purifier l’eau des sédiments et des polluants, contrôler l’érosion, réduire les risques de feux et améliorer la qualité du sol, à purifier l’air, abaisser les températures extrêmes, produire de l’oxygène, aider à séquestrer le carbone et produire de l’habitat/de la nourriture pour la faune…)
C’est l’importance de ces pollutions microplastiques qui a conduit la commission européenne [1] à interdire les microparticules de polymère synthétique utilisées notamment dans les équipements sportifs. Elles représentent la plus grande source d’émission de microparticules de polymère synthétique intentionnellement présentes au niveau européen avec 42 000 tonnes rejetées dans l’environnement chaque année >>> voir le règlement européen.
La règle ne cite explicitement que les granulats utilisés mais son esprit doit se comprendre aussi bien pour les autres composants des installations composés de polymères, c’est à dire les fausses pelouses. Si une dérogation d’utilisation de 8 ans a été mise en place par l’Europe pour permettre aux équipements existants d’atteindre leur fin de vie, il est clairement absurde de prévoir, en 2024, l’installation de nouveaux équipements responsables de la pollution que ce règlement européen entend maitriser.
Les élus d’Ensemble pour Bures se sont donc opposés à ces demandes de subvention exclusivement réservées à des installations synthétiques tout en demandant à ce qu’une solution durable soit étudiée afin de satisfaire les demandes des utilisateurs d’une plus grande accessibilité.
Afin que chaque Buressoise et chaque Buressois puisse se faire sa propre opinion sur la pertinence du projet proposé par la mairie, nous mettons à la disposition de tous les documents qui nous ont conduits à nous y opposer.
Les références qui suivent sont issues soit d’articles scientifiques publiés, soit de rapports d’instituts de recherche universitaire, soit de documents officiels d’états américains.
La pollution liée aux PFAS
En ce qui concerne les pollutions générées, de nombreuses études ont démontré la toxicité des granulats de caoutchouc issus du recyclage de pneus usagés utilisés comme matériaux de remplissage des stades synthétiques et leur impact sanitaire. Ces études ont conduit à leur interdiction et à leur remplacement par d’autres matériaux synthétiques ou végétaux.
La toxicité des fibres d’herbe synthétique elles-mêmes a fait l’objet d’études plus récentes. Une étude de l’université de Stockholm de 2022 a analysé 51 échantillons de pelouse artificielle et a démontré dans 100 % des échantillons testés la présence de fluor, potentiellement associée à la présence de produits per- et polyfluoroalkylées (PFAS, les fameux « polluants éternels ») dont la variété de composés est très large et dont la toxicité est multiple. Selon l’ANSES : augmentation du taux de cholestérol, des cancers, perturbateurs endocriniens, diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination… La détection directe de certains de composés PFAS connus et identifiés a été observée dans 41 % des échantillons.
L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), qui constitue notamment le règlement REACH d’autorisation de production et d’utilisation des composés chimiques) a proposé en octobre 2023 à l’initiative de 5 pays européens (Danemark, Allemagne, Pays Bas, Norvège, Suède) une restriction interdisant la fabrication, l’utilisation ou la mises sur le marché de ces PFAS >>> voir la page
Une autre étude américaine datant de 2019 aboutit à la même conclusion >>> voir l’étude
Cette étude, associée à d’autres études menées notamment par des agences environnementales américaines, ont conduit plusieurs états à proposer et/ou mettre en place des moratoires sur l’installation de pelouses artificielles >>> en savoir plus.
Quelques autres sites, américains pour la plupart vu qu’ils ont quelques années d’avance sur l’utilisation généralisée de ces revêtements synthétiques, sont disponibles :
- Un document du New Jersey cite les deux travaux précédents et insiste pour dire que la non détection de PFAS dans certains des échantillons (ou leur faible quantité mesurée) peut refléter davantage les limites des méthodes de mesure que l’absence de ces produits dans les échantillons testés.
- Un rapport du Massachusetts (Toxics Use Reduction Institute, TURI), institut de l’ Université Lowell du Massachusetts sur les PFAS dans les pelouses synthétiques.
- Un autre rapport, toujours du TURI, fait le point sur les différents aspects à considérer: pollution, santé, coût. Intéressant de noter d’ailleurs que selon les données issues de la ville de Natick un terrain synthétique revient à plus d’un million de $ alors qu’une installation de gazon est chiffrée entre 82000 et 328000$ et qu’en coût moyenné sur toute la durée de vie de l’installation les terrains enherbés sont nettement moins chers.
La dispersion de microplastiques
En ce qui concerne la dispersion de microplastiques, qui a notamment motivé l’interdiction de la commission européenne, une étude de l’université de Barcelone a montré que les fibres de gazon artificiel représentaient 15% des morceaux de plastique de plus de 5 millimètres dans les échantillons prélevés à moins d’un kilomètre du rivage >>> voir l’étude.
Les îlots de chaleur
Concerant les effets de température, de nombreuses études ont mis en avant l’impact thermique de ces terrains synthétiques susceptibles de générer en été de véritables îlots de chaleur.
Récemment, une analyse très poussée a été menée sur différents matériaux synthétiques utilisés en urbanisme – dont les pelouses synthétiques >>> lire cette analyse.
Elle mesure non seulement les températures surfaciques mais aussi la quantité d’énergie transmise au sol ou restituée à l’air ambiant qui s’échauffe ainsi. Cette étude permet d’illustrer les effets thermiques des pelouses synthétiques en montrant qu’avec le plus faible albedo (pouvoir réfléchissant d’une surface) et le blocage de l’évapotranspiration du sol, le gazon artificiel est le revêtement synthétique urbain qui présente les plus hautes températures en surface avec un excès de plus de 20° par rapport à celle du gazon naturel par une journée d’été à 30°C de température moyenne. Ce mauvais bilan thermique des pelouses artificielles se traduit par une augmentation des risques liés à la chaleur pour les usagers, athlètes et spectateurs (par ex : Heat risks associated with synthetic athletic fields , INTERNATIONAL JOURNAL OF HYPERTHERMIA2019, VOL. 36, NO. 1, 515 >>> voir l’étude).
L’impact hydrologique
En ce qui concerne les qualités hydrologiques du gazon artificiel par rapport au gazon naturel, il a été montré qu’il provoque un ruissellement accru et ne permet qu’une rétention d’eau réduite par rapport aux pelouses vivantes, tout cela associé à la présence de microplastiques dans les eaux drainées sous les gazons artificiels.
Pour en savoir plus : Artificial lawns exhibit increased runoff and decreased water retention compared to living lawns following controlled rainfall experiments, Simpson, T.J., Francis, R.A. August 2021 >>> voir l’article.
L’impact sur la santé des joueurs
Des composés qui inquiètent
Si de nombreuses études ont démontré les dangers des terrains synthétiques dont le remplissage est fabriqué à partir de pneus recyclés – et mené à leur interdiction – , peu d’études de toxicité existent encore sur les terrains utilisant d’autres types de matériaux. Cependant, suite à des contrôles menés par le département de la santé du New Jersey, des taux notables de plomb ont été trouvés dans des gazons artificiels en nylon ou en fibres mélangées nylon/polyéthylène qui posent un problème potentiel de santé publique, amenant l’institution à émettre une alerte >>> voir l’article. Le système nerveux des enfants, en plein développement, est plus sensible aux effets néfastes du plomb sur la santé, notamment les retards de développement et les troubles du comportement.
Un rapport de 2019 de l’institut TURI liste les risques potentiels liés aux différents matériaux utilisés dans les terrains synthétiques, qu’ils soient d’origine industrielle, minérale ou même végétale >>> voir le rapport
Plus de microbes que dans l’herbe vivante
Une analyse des microbiotes a montré que l’abondance relative des espèces bactériennes potentiellement pathogènes était effectivement plus élevée dans les échantillons synthétiques que dans les échantillons naturels >>> voir l’article
Il en résulte l’utilisation de produits antimicrobiens pour la désinfection des terrains ! Ils sont également une source de préoccupation pour la santé humaine et l’environnement. Certains à base de zinc sont responsables de relâchement de ce métal dans l’environnement par les eaux de pluie.
Des risques de blessure
Des études récentes ont montré des taux plus élevés de blessures par abrasion sur les surfaces en gazon artificiel que sur les terrains de jeu en gazon naturel. En particulier des brulures et des infections causées par des micro-organismes dont certains sont résistants aux antibiotiques.
Par ailleurs, des études menées sur les blessures des joueurs de la ligue américaine de football ont montré une augmentation de l’incidence des blessures au niveau des membres inférieurs des joueurs de la ligue américaine de football >>> voir l’article